Bonjour à Tous,
Et bienvenue sur cette newsletter tranquille qui vous invitera à la flânerie à travers la découverte d'objets culturels divers que nous vous proposerons en toute simplicité, comme entre amis, dans une ambiance feutrée propice au partage.
Le Moral, Les Chaussettes, tout ça... (édito)
[Ce titre est emprunté, comme certains d'entre vous l'ont remarqué, au 3éme roman de Fronce3 Truffo "UN DERNIER POUR LA ROUTE - Un Récit Dilettante", publié aux Editions du Socialisme en Marche en 2021. Qu'ils en soient remerciés.]
Alors, ça va bien là-haut ? La patate ?
(en faisant le signe du point serré qu'on tape dans le vide d'un mouvement circulaire)
On la grosse pêche ?
Quand ça va bien et quand ça ne va pas fort, restons attentifs.
Beaucoup d'entre vous me l'ont dit, ils ont loupé la Journée Mondiale de la Santé Mentale, la semaine dernière. Ils sont marris.
Vous me permettrez donc d'intervenir en vous proposant quelques en-cas pour nourrir votre soif d'aller mieux, votre plaisir à vous introvertir (si je veux !) ou au contraire pour rassasier cet appétit, plus ou moins consciemment masochiste, à vous plonger dans la détresse la plus féroce.
UN PROGRAMME EN TROIS ETAPES
1 - KENNY POWERS (Eastbound & Bound), une série créée par Ben Best, Jody Hill et Danny McBride.
L'adage populaire a pour une fois raison: "une petite série, ça fait toujours plaisir." Et ce d'autant plus qu'il en existe désormais, de tous les formats et toutes les longueurs. De l'épisode de 3 minutes en mode pastille au mammouth fassbindérien de plusieurs heures, chacun choisira son format, son nombre de saison. Je vous conseille même, pour choisir votre série, de partir sur ses critères plutôt que de vous renseignez sur les acteurs, le sujet, le ton,etc..
Regardez-moi ! C'est ce que j'ai fait. Et voyez, aussi bien au physique qu'au mental, comme je me porte beau et haut, et ce malgré mon âge qui pourtant me condamne aux sites de rencontres pour vieux adultes et retraités !
[Une parenthèse, si vous me le permettez : je vous raconterais un jour le régime intox que je m'afflige tous les 18 mois. Je m'oblige alors à regarder une série trop longue, aux épisodes nombreux comme PERDUS DANS LA JUNGLE et ses 27 saisons de 23 épisodes ou les 32 saisons de COURREZ LES AMIS, CE SONT DES ZOMBIES !]
Kenny Powers, délicieusement interprété par le dandy du rire Danny McBride, est un peu le Maradona du base-ball ‘ricain. Il a tout révolutionné, puis tout pété à force de frasques bigger than life, comme on dit dans la langue de Madonna. L'argent qui coule à flot, les femmes par bennes de dix, l'alcool, la fête et la coco ont eu raison de sa célébrité et de sa carrière.
Et ce au pire moment, puisque Kenny est aussi vieux. (comprenez, sur le retour ; comprenez 45 ans)
Fauché comme les blés, il revient dans sa ville natale (Ploucland, USA: une ville gentiment moyenne) où il squatte un matelas gonflable chez son frère. Sa réinsertion dans la case départ ne se fera pas sans mal, car Kenny est aussi connu pour ses excès passés que par son verbe pétri d'arrogance, de grossièreté et qui pue, il faut bien le dire, la vulgarité et la réaction.
Kenny est beauf, sûr de lui et arrogant comme pas deux... Tu la sens l'avalanche de gags qui arrive ?
KENNY POWERS, avec ses épisodes courts (25 minutes 17 secondes en moyenne, j'ai fait le calcul), joue sur la plouquerie et le décalage moqueur, comme un MARIES DEUX ENFANTS moderne. La génance des situations et l'incroyable abattage des acteurs vraiment chouettosses (avec une mention spéciale à Steve Little en sidekick oppressé du rôle-titre) emportent facilement la partie et déclenche le rire. Mais c'est sans doute du côté de TRAILER PARK BOYS, sublissime série ‘ricaine très peu connue en France, qu'il faut chercher le lien de parenté. Car KENNY POWERS au fond, revisite la glauquasserie, les plans à trois balles, et les déviances diverses de son ancêtre en caravane.
A un détail prés : là où TRAILER PARK... décrivait un quart-monde étonnant (et généralement exclu des antennes TV), KENNY POWERS montre la génance de la ville moyenne, de la classe moyenne faîte de neveux et nièces dont on peine à se souvenir le prénom, d'agents immobiliers trop honnêtes et de pick-ups bien uniformes. Ce n'est pas rien.
Après les deux premières saisons qui se mangent comme des kinders buenos, vous ressortirez épuisés par le rire, mais aussi par la détresse du rôle titre, vrai imbécile, souvent très con et très injuste: une inadaptation qui frôle le diagnostic mental. Car il souffre autant qu'il exaspère, ce Kenny. Selon que vous vous sentiez puissant ou misérable, il vous fera plonger dans le rire le plus franc ou dans la désespérance la plus certaine.
Je vous connais bien : pour vous, ça va être un régal.
2 - Les Films de l'Acteur et Réalisateur Jim Cummings...
...que tout le monde connaissait visiblement, sauf moi.
Tandis que je m'assoyais sur le sofa en m'enveloppant dans un bien douillet plaid, je ne m'attendais pas à THE WOLF OF SNOW HOLLOW.
Sous le couvert de film d'horreur malin, la chose me poussa hors de mes repères de cinéphile qui n'a pas envie de se faire trop bousculer.
Dans une ville moyenne américaine, mais au nord, dans les montagnes, Jim Cummings est shérif. Et je dirais même plus, un shérif qui fait partie de la team "1er degré". Ce n'est pas un marrant. Lui aussi, à l'instar de Kenny Powers, est sur le retour. 44 ans (le pire des âges ou presque), divorcé d'un abrutie de première bien brutalisante, père d'une grande ado (genre 18 ans) qui survole tout ça de loin, et flanqué de collègues qui, l'air de rien flirtent tous plus ou moins avec l'incompétence, le manque de bonne volonté, tout en étant certains d'avoir raison... Pas facile pour Jim.
La chose tournera au cauchemar quand un meutre horrible a lieu (corps coupé en deux, et tout et tout..), puis un deuxième puis d'autres, etc., ad lib.
Ce n'est pas facile la gérance de tout ça en temps normal. Mais en tant de crise sanglante, c'est l'horreur. Les habitants, tous experts toutulogues commencent à se persuader que c'est un loup-garou qui sème la terreur.
Ce que je vais dire va en choquer plus d'un , mais THE WOLF OF SNOW HOLLOW m'a bouleversé, comme je ne l'avais plus été depuis quelques années, et pour tout dire -accrochez-vous - depuis l'excellentissime THE INKEEPERS, le magnifique chef-d'oeuvre du beau Ti West. [J'en parlerais un jour, quand cette newsletter aura dépassé les 1000 abonnés. Merci. Met un pouce.]
Le film de Cummings a toute sa place dans cette missive recommandantive sur la santé mentale. On ne va pas trop en dire, mais le film fait preuve de fantaisie et déclenche facilement le rire avec son ambiance gentiment golémisée de FARGO. Mais comme dans une slapstickerie d'Howard Hawks où rien ne veut aller droit, ou la moindre porte poussée bloque ne fut-ce qu'une demi-seconde, où rien ne se passe jamais bien du premier coup, THE WOLF... fait talentueusement monter la pression, et si vous êtes un être humain aussi beau et sensible et empathique que moi, vous allez trépigner et geindre et vous tordre.
Le personnage de Jim Cummings est beau, seul contre tous à essayer de maintenir un peu d'ordre et un peu de sens dans un univers absurde où TOUT LE MONDE n'en a rien à Mariah carrer, où tout le monde a un avis, et où tout le monde déteste obéir à quoique que ce soit. Dans ce contexte, rien n'avance, tout se délite, et l'incompétence prévaut. Jim va souffrir et il n'y a pas une minute où on ait pas envie de lui faire un gros câlin...
Il faut dire que Cummings est excellentissime. Sa réalisation est propre et belle, tout à fait à la hauteur de ses moyens (avec un montage rigolo en prime, mais shhhh, je ne vous ai rien dit). Et c'est un fantastique comédien qui -WARNING - énervera beaucoup d'entre vous, vous êtes prévenus. Mais son sens du rythme, son soin du détail (les maquillages par exemple) et son incroyable engagement physique (la scène du four ! je me suis littéralement levé de mon fauteuil, surpris par la beauté et la drôlerie de la chose !), emporte tout.
On vit une très bonne période pour le cinéma de genre ou le ciné indépendant. Et des films comme celui de Cummings m'enchantent autant qu'ils me font pleurer , souffrir et rire.
Si vous êtes role-play, vous me jouerez moi, si j'ose dire, en enchaînant sur le trés-beau-aussi-hey-ho-ça-va-laissez-moi THE BETA TEST où Cummings joue cette fois un agent travaillant dans le monde des séries à Hollywood, bientôt marié, à qui on envoie une carte anonyme l'invitant à une partie de jambe en l'air dans un bel hôtel. Va-t-il fauter ?
Là aussi, il s'agit d'une comédie drôle et duraille sur le monde du travail, sauf qu'ici le personnage est assez ouvertement détestable au premier abord, là ou le shérif de THE WOLF.. nous donner envie de cajoler.
THE BETA TEST est très beau, vraiment soigné et très subtil et je vous en reparlerai bientôt car...
Non, je ne peux vous le dire, Scarlett, ce n'est pas encore signé !
3- HATERS BACK OFF !, une série créée par Christopher Ballinger et Colleen Ballinger.
A ce stade du programme, vous êtes très certainement au fond du trou, votre maman vous manque et vous ne diriez pas non à un petit lait-orgeat tiède, bu en cachette, recroquevillé sous un plaid.
C'est le moment parfait pour découvrir la courte série HATERS, BACK OFF ! (2 saisons de 8 épisodes de 24 minutes et 17 secondes) où l'on découvre la (presque) jeune Colleen Ballinger.
La jeune fille ne va pas à l'école, "étudie" à la maison et dans les faits, n'en branle pas une , si vous me permettez l'expression, entre un oncle complétement à l'Ouest de toute repère émanant du réel, et une mère pas méchante mais complétement épuisée par des double-shifts épuisant dans un boulot bas de gamme. Car seule la maman travaille !
Colleen, poussée par son oncle déphasé, commence à poster une vidéo sur youtube. Où elle chante. Super mal. Car Colleen n'a aucun talent, ne comprend rien à rien, tyrannise sa famille sans cesse. Seule elle et son oncle pensent qu'elle peut percer dans le show-biz, ce qui n’a AUCUNE CHANCE d'arriver car Colleen n'est pas seulement une atroce artiste: c'est un personnage très malaisant, quelque part entre une version cringe de Pee-Wee (sans aucune fantaisie) et une version psychiatrique de l'héroïne du magicien d'Oz. Ne tournons pas autour du George Bush: Colleen est au top de la génance...
Au milieu du désastre, il y a la petite sœur intello, l'excellente Francesca Reale, qui assiste au naufrage incessant bon gré mal gré...
Découverte presque par hasard en googlisant le nom de Steve Little (dont je vous parlais plus haut - c'est lui qui joue l'oncle) dans Sens Critique (le site pour boomers amnésiques), HATERS BACK OFF ! est une série qui, sur le plan social, se situe beaucoup plus bas que KENNY POWERS et à peine plus haut que les gars de TRAILER PARK BOYS. Il suffirait d'une facture de plus pour que tout ce joli monde se retrouve dans un préfabriqué en camping de troisième zone.
Disons-le tout de go, c'est, dans ce programme en trois étapes, le stade qui vous fera souffrir le plus. Même si on pense parfois à la série LADY DYNAMITE de et avec l'excellente Pam Brady et qui aborde également les thèmes de la marge et de la santé mentale, nous sommes ici dans le versant désobligeant, rude et dérangeant de la comédie en série.
Selon une étude du MIT publié il y a trois heures ("HATERS BACK OFF: A Study of Cringeness and Despair" par Clinton Murphy et Jennifer French), 83,27% d'entre vous ne supporteront pas le personnage principal et/ou la série plus d'un épisode, voire deux pour les plus pastafaristes des spectateurs. Car il faut supporter le personnage, supporter les affronts, supporter de voir la comédie sombrer dans le cringe et la souffrance. Quand aux autres, ils se raccrocheront à ce qu'ils pourront. Quelques beaux moments avec Francesca Reale (mais vous, savez, moi depuis Anette et PREMIERS BAISERS, c'est mon kink), l'excellente Angela Kinsey dans le rôle de la maman (que j'étais persuadé avoir vu ailleurs et qui évoque une lointaine cousine d'Amanda Plummer) ou l'abattage furieux de Steve Little qui est ici dans son élément le plus parfait.
Mais vous êtes prévenus: c'est rude !
[J'ai hâte d'avoir vos retours!]
[Attention, opinion très injuste et de totale mauvaise fois en préparation...]
CONCLUSION ET OUTRO
A ce stade du programme outre le rire, outre la beauté, outre la souffrance, on pourra se demander ce qui fascine tant les amerloques dans la thématique de la santé mentale, mais aussi pourquoi en France, hormis HPI (rires!), on ne trouve dans la comédie française que peu de ces problématiques. [J'ai oublié le nom de la capsules avec les deux gogoles qui attendent dans le cabinet du médecin, sur France 5, et donc je vous épargne ça en ne cherchant pas sur google]
Qui plus est, dans le pays de Rosy Varte et de Victor Hugo, on s'étonnera aussi que les thématiques sociales soient absentes ou bêtement la base à prétexter n'importe comment n'importe quoi. HPI pour la santé mentale. Ainsi que la blonde autiste aussi qui fait des enquêtes avec sa BFF valide et dont le nom m'échappe, fort heureusement. Et pour le social Christian Clavier et son bon dieu. Ou les Tuches.
Et pour les deux en même temps -social + santé mentale-, on est où, nous, la France ?
[Je sens que vous allez trouver plein d'exemples prouvant que j'ai tort]
Je vous lâche désormais la main, car c'est l'heure, et vous laisse continuer la ballade seuls. Nous nous reverrons promptement dans ces pages.
En vous saluant,
Prenez soin de vous,
La bize.
Dr Devo
J'ai découvert Jim Cummings avec son premier film THUNDER ROAD et il m'a fallut un peu de temps pour détourer le spectrum des émtions sur lequel il travaille. Il fait aussi une petite apparition dans le film GREENER GRASS qui lui aussi, mérite d'être découvert.
La série HP est pas trop mal dans le style !