LE PILLAGE DANS LES NUAGES : la nanopocalypse est un cache-misèrisme.

...où l'on découvre que quand c'est physique c'est bien plus correct et que tout les films du monde vont disparaître parce qu'ils sont immortels !

L’important, C’est Une Bonne Phrase D’intro (Intro.)

Ainsi nous avait prévenu le poète : "Le XXIème siècle sera spirituel ou ne sera pas." Préparez-vous donc à entrer brutalement dans le turfu, car du spirituel, je vais vous en donner grâce à cet article de type journalimse total où non seulement vous ressortirez avec une vision inédite et éclairée du Monde tel qu'il est (Solcherwelt, selon la définition du théologien et philosophe Arno Buttgereit dans son livre "Möglicherweise Leben Sie in einer SchrotFlintenhütte"), MAIS où je vous rapporterais aussi l'expérience que je dus moi-même endurer. Expérience, croyez-le bien, qui m'a projeté dans votre futur.

En deux mots comme en cent: je sais ce qui va vous arriver car je l'ai déjà vécu.

Car, au fond, nous sommes bien contents, vous, moi et lui et elle dans notre jacuzzi de culture à profiter de la chaleur et du divertissement que nous apportent films et séries. Le confort est douillet, les choix sont ouverts, et les catalogues regorgent de tout pour tous. Les plateformes déversent des titres par milliers allant du film triple AAA à la perle inédite. Les éditeurs de dividis et de (Jean-Claude) blouraies se cassent la binette pour retrouver de vieux titres de derrière les fagots qu'ils restaurent, à leur frais parfois, pour sortir de luxueuses éditions. Les films sont sauvés. Je peux voir presque tout ce qui me plait. Tu peux voir tout ce que tu veux. N'a-t-on jamais été plus heureux ?

Non. Je vous invite à la repentance. Bon prince, j'ai vu le futur et j’en reviens pour vous prévenir:

1/ Le plus d'œuvres sont numérisées, le plus tu peux en voir

2/ Le moinsse le support s'use

3/ le plus les œuvres sont éternelles

ce qui implique :

4/le support physique est plus faible

5/il s'use

6/il coûte cher

Fin de l'intro.

1- SOUTH BY SOUTH PARK : rien ne sert de partir à point, il faut binger comme un détraqué.

Ma femme me le dit souvent, "tu es un homme des plateformes, tu es un homme des programmes, tu aurais du faire de la politique."

Ma binette en photo dans le jardin de l'Elysée. Le beau costume. Tom Cruise à la table du souper.

Depuis quelques années, nous avions décidé d'un commun accord, elle et moi, de dépenser l'argent des allocs dans l'achat d'abonnements à toutes les plateformes. Bien sûr, nous avions déjà Netflix. Mais désormais ce sont des milliers de films, ce milliards de série qui nous tendent la main , dispersés sur des dizaines de plateformes.

C'est tout le paradoxe. Certains parmi vous ont connu Matière Focale, feu le beau site de cinéma, à la fois brillant et marrant, créé par votre serviteur et quelques amis choisis, et dont cette newletter est l'extension.

Or, LE CABINET, vous le verrez, sera principalement un guide pour trouver les bonnes pépites parmi les catalogue des plateformes. Matière Focale parlait de cinéma en salle et en dividis. LE CABINET parlera de Netflix (ouch), de Prime (nonononon) et de Disney+ (je me meurs) ! La déchéance est-elle totale ?

Ce sera à vous , chers amis, de le dire. En attendant, asseyez-vous confortablement, je vais vous raconter deux histoires édifiantes qui seront suivies d'une moralité qui le sera tout autant.

Je vous la fait courte ou vous voulez tout savoir ?

Je ferais bientôt un numéro du CABINET qui vous donnera des conseils pour bien réussir vos long-métrages et vos séries. Par exemple, si vous souhaitez faire un beau film d'animation japonais, dans le style du magnifique 5 CENTIMETRES PAR SECONDE de Makoto Shinkai (Japon, 2007, dispo sur OCS/CINE+) qui, non Kevin, ce n'est pas un film porno, est une merveille de l'espace trèèèèès triste, si vous souhaitez faire cet anim' japonais, disais-je, il vous faudra placer dans votre mise en scène une mélodie triste au piano (obligé !) et, c'est moins connu du public lambda, il faudra également une voie de chemin de fer avec passage à niveaux et passage du train. Et si vous ne pouvez pas vous le permettre, il faudra AU MOINS un scène de gare. Ca n'est ni bien ni mal, c'est comme ça, et comme disent, à très juste titre, les jeunes: "ce n'est pas moi qui fait les règles."

Il se trouve que cette dernière année, j'ai regardé beaucoup de séries, un peu au hasard il faut bien le dire, mais parfois aussi sur les conseils de certains d'entre vous. On parlait de santé mentale dans le premier numéro du CABINET. Et bien, croyez-moi bien, j'en ai bavé. J'ai notamment regardé beaucoup de séries policières dont certaines sont épatantes (THE KILLING version US, THE FALL, HOMELAND, des machins anglais, etc.) Et là aussi, il y a un pattern. Pour réussir votre série policière il faut:

-une femme flic (ou au moins spécialiste de son domaine) qui...

-…est ultra-intelligente et possède une intuition hallucinante...

-…qui souffre intérieurement, ça se voit, elle fait la gueule, elle envoie parfois tout le monde bouler...

…car elle a un traumatisme originel GRAVISSIME ce qui la pousse...

-...vers la lisère avec la folie mentale.

Voilà. En option, elle peut aller faire un séjour en HP, mais c'est facultatif.

Des séries de ce style j'en ai vu 5 ou 6, toutes excellentes, et même bouleversantes.

Même quand c'est très bon, même quand les comédiennes déchirent tout, il y a un moment, où on se sent glisser, les amis. Non seulement mettre des mots sur le pattern précité a été dur, mais de manière plus global: le cœur et le corps ont lâché. Je n'en pouvais plus des inspectrices surdouées-traumatisées avec description du Monde en zone inhumaine dévastée.

C'est pourquoi je me suis tourné vers SOUTH PARK

J'ai raté beaucoup de choses dans ma vie et parmi celle-là, il y a mon rendez-vous presque manqué avec SOUTH PARK. J'ai toujours aimé Parker et Stone dont j'apprécie énormément certains films (notamment CANNIBAL THE MUSICAL) et parce qu'ils ont foulé le tapis des Oscars habillés dans les robes de Meryl Streep et Gwyneth Paltrow (en étant passablement défoncés qui plus est : voyez plutôt), ils auront ma reconnaissance éternelles.

Autant j'ai bien ratissé les SIMPSON, que je n'ai vu que très peu d'épisodes de SOUTH PARK, peut-être une dizaine.

Le moment était donc parfait pour changer d'air et décision fut prise de se taper l'intégralité des 26 saisons dispos chez Paramount !

Je vous rassure, il était hors de question de tout regarder dune traite. Comme je l'avais dit dans le précédent CABINET, il m'arrive régulièrement de regarder des séries aux trèèès longues saisons (généralement 15 ans après tout le monde!) dont le truc sur l'île et le machins avec les zombies. Je le fais surtout par masochisme, mais on en reparlera...

Dans le cas de SOUTH PARK je me suis bien organisé : une saison de SOUTH PARK, pause, une saison de FUTURMA, pause, une saison de KENNY POWERS, pause, une saison de SOUTH PARK, ad lib.

Bref, je prends mon temps et la magie opère. Je bois SOUTH PARK (Thimotée) nonchalamment et en apprécie toute la saveur. Je m'extasie sur un détail. Je m'esclaffe sur un gag inattendu. Je chante le refrain des chansons. Globalement, je m'étonne de l'incroyable modernité de la série, même plus de 20 ans après.

Et cette semaine, c'est le drame. Je m'aperçois avant de lancer l'épisode 8 de la saison 6 que cette dernière ne sera plus diffusée à partir du premier décembre !

Et vous allez voir, c'est tordu:

-le saisons 1 à 20 ne seront plus disponibles après le 1er décembre.

-Les saisons 23 et 24 ne seront plus disponibles après le 30 novembre, soit AVANT (de seulement un jour certes) les saisons précédentes, ce qui est fichtrement cocasse !

-les saisons 25 et 26 seront disponible "pour encore 6 mois".

Grace à un merveilleux site, je peux faire ce calcul au jour d'aujourdhui. Il me reste 44 jours pour voir 220 épisodes au moment ou je rédige ce premier jet !

[Il me restera ensuite 5 mois pour voir les 13 derniers épisodes. On saisit bien l'ironie, voire le vice de la plateforme !]

En un mot, et si ça tombe mal, ca tombe aussi rond: il faut regarder 5 épisodes par jour.

Adieu, mon beau plan de visionnage en mode tranquilou. Bonjour à toi, Violence du Monde Moderne !

Je vous vois venir, mes amis: "Docteur, épargne-toi. La santé avant tout. Il n'y as pas de devoir dans la souffrance. ENVOIE-LES BOULER, ces malotrus capitalistes."

Sur le fond, vous avez raison. Si je binge au pas forcé SOTH PARK, je vais finir à la BBC à faire des enquêtes éprouvantes entre deux séjour à l'HP.

Mais...

La vie n'est pas rose. Nous discutions il y a quelques mois avec mon camarade Le Marquis (qui a sévit avec moi sur Matière Focale), tout n'est pas rose sur les plateformes. Je remarque déjà que certaines épisodes de SOUTH PARK ont disparu. La saison 7 par exemple, commence avec l'épisode 2 ! [C'est d'ailleurs quelque chose qu'on retrouve sur beaucoup de série.] En raison de droits échus ? Censure ? Je n'en sais rien.

Mais il y a plus grave encore. Le Marquis, grand fan de la série et collectionneur émérite de dividis, me disait qu'il n'avais pas vu les dernières saisons. Et pour cause, elles ne sont plus ni diffusées ni éditées en dividis.

Tu la sens ma tristesse qui monte ? Tu la sens venir ma conclusion ?

Que dois-je faire? Et je dirais même plus, dois-je faire quelque chose ?

On dira peut-être de moi que je ne suis pas un bon garçon, que le destin me punit, que j'ai été négligeant de négliger SOUTH PARK pendant si longtemps en sachant pertinemment que ça allait me plaire. On dira peut-être simplement que j'ai la poisse et pis c'est tout.

Mais tout cela n'est rien, comparer à l'histoire que je m'apprête à vous raconter...

2- THANKS GOD, THERE'S JIM HENSON : ...Et Personne Ne Répond !

Le Muppet Show, Jim Henson et tous ces acolytes m'ont toujours passionné. Je les aime. Kissy kissy. Quand un jour on fera le décompte des grandes figures qui ont fait l'identité de l'Amérique moderne, il y aura Henson aux côtés de type comme Hunter Thompson, Mark Twain, Laurie Anderson, Kurt Vonnegut, John Waters, etc. Ce sont des gens qui ont, que ce soit ostentatoire ou pas, une influence colossale sur la pensée de leur pays. Et pour nous, petits européens, quand on y pense, y-a-t-il des artistes dont on sent autant l'américanité de leur américanitude ? Une phrase, un son, un plan: on sait qu'on est aux Etats-Unis, au plus profond du cœur de l’Amérique la plus sombre.

Le prétexte pour prendre Disney+, ce sont mes enfants. Pour faire passer la pilule, pour faire passer la honte, pour atténuer ma culpabilité, pour me sentir moins sale, je me suis dit: "allez, je le fais pour mes enfants !"

Car Disney+ est cher, super cher. Alors oui ça m'a permis de montrer Star Wars aux gosses, avec ses douze étoiles noires là ! [Si j'ai le courage, un jour, je vous raconterais.] Les kids n'ont pas voulu regarder Harry Potter ce qui m'a bien arrangé. Et surtout, surtout, ils n'ont regardé AUCUN film d'animation du catalogue Disney, et ça c'est merveilleux, car Walt Disney, artistiquement, ça m'est insupportable. Depuis 30/40 ans, ils produisent que des trucs immondes, et même avant cela c'était vraiment pas bon.

[Ne venez pas me dire "Oui mais LE LIVRE DE LA JUNGLE quand même, patati, patata...", ça ne m'intéresse pas. Pour moi, Disney est nul, c'est le diable.

Sauf une étrange période pendant les années 80/90, où ils ont produits quelques trucs trèèès étonnants, mais ça on en reparlera une autre fois !]

Ma vrai motivation, c'était de voir les Muppets enfin en entier ! Et je vous assure, c'est un rêve de gosses qui se réalise. Et voici ce qui s'est passé.

Prenez des Kleenex.

Mon ami le Marquis dont je parlais plus haut, est fan hardcore de TOUT ce qu'à fait Jim Henson et ses descendants. Il a un Gonzo grandeur nature chez lui (pièce introuvable désormais), tout ce qui a été édité en France en dvd et autres, et aussi une collection phénoménale de livres sur le sujet, de la biographie de la monteuse des Muppets jusqu'au livre sur l'adaptation russe des Muppets (après l'arrivée de Gorbatchev). Il achète des bouquins sur le sujet toute l'année, et il les lit pendant les vacances en été, ce gros hédoniste. Tout ça pour vous dire que j'ai la chance d'avoir à portée de téléphone, une encyclopédie vivante sur le sujet.

Comme je suis faible, je regarde deux épisodes du Muppet Show avant de passer à autres choses.

Première déception, comme pour les SOUTH PARK, il n'y pas tous les épisodes. Il en manque quelques uns. Mouais, soupirais-je en moi-même. Deuxio, les chansons ne sont pas sous-titrées. Or, les chansons dans le MUPPET SHOW, c'est un élément ultra-important. C'est la colonne vertébrale de la série. La passion du clan Henson pour le folklore musical américain est primordiale. ET si le MUPPET SHOW est une grande série, c'est aussi parce que c'est un voyage fabuleux dans la musique américaine.

Première déception.

Pendant quelques temps, je montre les Star Wars aux nains, donc, puis j'en profite pour voir les films de Yórgos Lánthimos (quel bonheur! même le dernier !) ou pour tomber des nues en m'apercevant que David O. Russel a enfin refait un film sublime (avec I LOVE HUCKABEES, bien sûr). Vous avez vu AMSTERDAM, les amis ? C'est hallucinant! Que c'est beau! Que c'est drôle ! Mais bon, là j'ai pas le temps.

Quelques semaines plus tard, je me motive à relancer un épisode du MUPPET SHOW, et là, c'est le drame : toutes les saisons du MUPPET SHOW ont disparu.

(rires enregistrés.)

On se souvient pourtant, m'écriais-je, près du saladier de punch, pendant une soirée d'été, que Disney avait racheté rubis sur l'ongle les productions Henson !

En fait, c'est faux. Le Marquis m'a confirmé que Disney n'a racheté QUE la franchise Muppets. Et pas le reste. Mais à quoi sert d'avoir la franchise si le MUPPET SHOW n'est plus diffusé???

[Dans ce qui est disponible sur la plateforme, on trouve quelques long-métrages (mais très peu) anciens ou récents, quelques machins Muppet Babies, et l'excellent reboot Muppet Show de 2015, brutalement interrompu suites aux plaintes des mamans d'ultra-droite américaines, et l'affreux reboot plus récent qui est une catastrophe. Voilà. C'est à peu près tout.

Il n'y pas non plus l'excellent MUPPETS TONIGHT des années 90.]

Dégoûté, souillé, trahi, j'allais me mettre en PLS dans un coin, quand je me suis souvenu de ce que m’avait dit. Disney n'a acheté que la franchise MUPPETS. Serait-ce possible alors de voir la franchise FRAGGLE ROCK , créée aussi par Jim Henson sur une autre plateforme ? La série, a l'époque, avait été diffusé, mais seulement sur 3 saisons. Les deux dernières sont inédites. Et c’est très durs à trouver en dividis, même à l’étranger.

Et bien oui, figurez-vous, les Fraggles sont dispos sur Apple+. La plateforme n'annonce que trois saisons, mais en fait non: les cinq saisons y sont mais sont simplement mal classées (rires).

Imaginez ma joie !

Je lance un épisode. C'est immédiatement le drame: le son est désynchronisé, avec quelque chose comme 1,5 secondes de retard sur l'image ! Nous essayons alors un autre épisode, et c'est le même symptôme. Est-ce la fin des cochons dans l'espace?

La réponse est vite répondue, et c'est un oui gigantesque et porteur de tristesse. Aucun des épisodes des 5 saisons n'est regardable ! On tente alors la VF (et le Marquis m'a assuré que la VF de FRAGGLE ROCK est affreuse!) mais celle-ci n'existe pas. Voilà donc Apple+ qui propose une série entière non regardable. Apparemment, si j'en crois les internets, le problème est connu depuis quelques années. Un informateur bon connaisseur de la marque et de ses services, me confirmera plus tard que le SAV Apple est souvent chaotique quand on la chance, rare, d'avoir quelqu'un qui nous répond.

La vie est une plage, immense et vide. Mon histoire est triste.

CONCLUSION ET OUTRO...

Je crois qu'on a tous appris quelque chose aujourd'hui.

Le tout numérique peut apparaître dans un premier temps comme une promesse d'accessibilité mais aussi de fidélité aux œuvres dans le sens on nous pourrions les regarder dans le même état précis où elles ont été diffusées à l'époque, sans l'altération du temps.

Mais ce que l'on voit dans le diptyque de la Malchance que je viens de vous narrer, c'est qu'il en est rien. On savait qu'à chaque changement de support physique (de la VHS au dividi par exemple), une partie des œuvres se perd car elles ne sont pas rééditées dans le nouveau format. Il n'empêche que votre film, votre série sur support physique est complétement à vous, disponible à volonté, sans charge annexe, et surtout, surtout, à moins d'être un un petit porcinet mal éduqué qui joue aux foot avec ses dividis ou s'en sert de sous-tasses, vous aurez accès à vos œuvres sinon éternellement mais au moins pour très longtemps. Et peut-être même renouerez-vous avec une coutume d'antan: vous pourriez les prêter !

Quant au versant numérique de la conservation et de la diffusion des œuvres, sous des aspects avantageux, nous n'y trouverons rien que le froid de l'Espace et la Mort.

Je m'explique. Le tout numérique révèle deux aspects de la vie parmi les plus désagréables: le révisionnisme et la mort.

Je dis souvent aux pauvres gens qui font partie de mon entourage qu'il y a un véritable scandale dans la conservations des images. Depuis de nombreuses années déjà, les vieilles images, si elles sont bien conservées, sont très mal diffusées. Les documentaires historiques -c'est l'exemple le plus frappant- sont remplies d'archives d'époques (super !) systématiquement diffusés dans le mauvais format (nul). C'est le cas des images 4/3 ou 1.33. Si vous regardez un documentaire sur le seconde guerre mondiale, vous ne verrez qu'un goubliboulga d'images moches, recadrées mais qui ont "l'avantage" aux yeux des diffuseurs j'imagine, de remplir tout votre écran. Pour nous les vieux, c'est juste triste et scandaleux. Pour vous les jeunes, c'est un enfer. Peut-être ne saurez-vous jamais que nos ancêtres cadraient aussi bien que nous (ou mieux!) et que dans ce cadre aussi, il y avait un témoignage, une sensibilité. Et si vous voulez mon avis, ces recadrages des images d'archive devraient être dénoncés par tous les amoureux de l'image et de l'histoire.

Pendant la rédaction de cet article je suis passé par l'épisode 9 de la saison 6 de SOUTH PARK , où Kyle, Cartman et leurs amis essaient d'empêcher Spielberg, George Lucas et les "vieux réalisateurs" de retoucher leur film numériquement. [On pourrait aussi citer William Friedkin avec son immonde version "director's cut" de L'EXORCISTE et du retournement complet de veste qu'a été le remontage du SANG DU CHATIMENT.]

Trey Parker et Matt Stone ont mis le doigt sur un problème aussi vital que stupide. Mais ce révisionnisme audiovisuelle n'est qu'une première marche. Sur l'Autel du Tout Numérique, une autre menace nous fait face, révélée par ces longues histoires que je vous ai racontées. Devant nous, il y a la Mort. La mort de l'œuvre tout simplement. Car, aussi fameuse que ce soit une œuvre, aussi culte que soit une série, aussi juteuse financièrement que soit une franchise, absolument rien ne nous protège de la disparition complète de l'œuvre, par négligence, par leur mauvaise compréhension, par rentabilité ou au nom d'un agenda politique.

Il y a une chose que l'acheteur de blou-raies ou de cédés accomplit en plus que de se rapprocher de son œuvre favorite: il la conserve et l'empêche de disparaitre tout simplement. Et ça, les amis, c'est magnifique.

Moralité: c'était mieux avant ?

Je vous laisserai juge mais laissez-moi vous raconter une anecdote.

Il y a quelques mois, je commence ma journée assez mal avec une heure de bouchon sur le périphérique, suivie d'une série de petites corvées du quotidien que nous connaissons tous. Le temps était pluvieux, le ciel sombre.

Me voilà donc en plein bouchons à m'endormir gentiment, la voiture roulant à 8 km/heure, en écoutant la radio. C'était une interview de Viggo Mortensen (où il répond en français, avec un grooos accent et à trois à l'heure mais bon , je trouve ça classe). Entendre le Roi de la Pomme de Terre parlait, comme ça, dans son beau français lent, me fait penser à un des films qu'il l'a révélé : l'hallucinant L'ENFANT MIROIR de Philip Ridley que vous devriez voir car c'est sublime (disponible sur MyCanal et sans doute sur Shadowz. De Rien).

Je me fais alors la réflexion suivante: "Tiens ça fait longtemps que je n’ai pas vu DARKLY NOON le 2ème film de Ridley, toujours avec Viggo. Cool, j'ai encore le dividi, devenu rare car non -réédité. Avec un peu de chance, le dividi sera bien rangé et je vais le retrouver sans problème. Ce soir, c'est décidé, je revois DARKLY NOON."

Le soir venu, les enfants enfin couchés, je trouve tout de suite le dividi de DARKLY NOON parfaitement rangé. Avec émotion, je mets la galette dans le lecteur. Je n'ai peut être pas revu le film depuis 25 ans. Je souris en voyant le vieux menu. Je sélectionne ma version, puis le sous-titre (les vieux sachent !). Je lance enfin le film...

...et me trouve avec une image riquiqui ! Et pour cause, mon dividi, très vieux, est en 4/3 et surtout non compatible en 16/9éme. Sur mon énorme télé de gros bourgeois, je dois me contenter d'une 4/3 et encore même pas ! DARKLY NOON est un film en scope . Je me retrouve donc devant un minuscule scope enfermé dans une fenêtre 4/3. C'est tout petit. On peine à lire les sous-titres. Je ne reverrais pas DARKLY NOON et mon dividi est obsolète.

Je vous laisse méditer là dessus et enfin vous libère.

[Il y a 10 jours, les saisons du MUPPET SHOW sont réapparues sur Disney+. Rires enregistrés.]

Prenez soin de vous,

La Bise.

Dr Devo.